Au sein des universités et, plus largement, de l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, les sections disciplinaires, propres à chaque établissement, sont chargées de juger les fautes commises par les étudiants et de prononcer d’éventuelles sanctions à leur encontre.
Ces sections disciplinaires constituent de véritables juridictions, au sens du code de l’éducation, compétentes pour sanctionner des faits, aussi divers que variés, allant de fraudes commises à l’occasion d’une inscription, d’une épreuve de contrôle continue ou d’un examen final, au plagiat, en passant par tout fait susceptible de porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement. Les sanctions rendues peuvent être de six types et sont graduées de la manière suivante :
Fort heureusement pour les étudiants en ayant fait l’objet, ces sanctions sont susceptibles de recours. L’étudiant sanctionné peut, en effet (tout comme le Président de l’université ou le Recteur) faire appel de cette sanction, devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), dans un délai de deux mois suivant sa notification. Le CNESER est, à cet égard, compétent, non seulement pour les étudiants des établissements publics, mais également pour ceux du privé, dans la mesure où ils seraient susceptibles de se voir délivrer un diplôme conféré ou reconnu par l'Etat.
Concrètement, l’appel d’une sanction infligée par la section disciplinaire d’une université doit être adressé, dans le délai de recours (de deux mois), au Président de la section disciplinaire qui a rendu la sanction contestée, et non directement au CNESER. Il revient, en effet, au Président de la section disciplinaire de saisir officiellement le CNESER du recours exercé à l’encontre de la décision rendue par la formation qu’il préside et de lui communiquer l’ensemble du dossier de première instance. Cet appel prend la forme d’un mémoire, comparable à ceux produits devant les juridictions administratives, qui peut soulever des moyens de légalité externe (vices de procédure, de forme, etc.) ou interne (erreur de droit, erreur manifeste d’appréciation, etc.). Un avocat pourra, judicieusement, être mandaté pour réaliser ces démarches et soulever l’ensemble des moyens de faits et de droit susceptible d’aboutir à l’annulation de la sanction initiale.
Une fois l’appel enregistré au greffe du CNESER, il a, en principe, un effet suspensif. Cela signifie que la sanction ne trouvera pas à s’appliquer immédiatement, ce qui permettra à l’étudiant, le temps de l’instruction de son dossier par le CNESER, de poursuivre ses études dans les mêmes conditions qu’auparavant, comme si aucune sanction n’avait été prononcée à son encontre. Cependant, le code de l’éducation précise que tel n’est pas le cas lorsque la sanction précise, expressément dans son dispositif, qu’elle est « immédiatement exécutoire nonobstant appel ». En pratique, tel est souvent le cas lorsqu’une sanction d’exclusion est prononcée. Cette formulation vient, alors, s’opposer au caractère suspensif de l’appel, de sorte que la sanction trouvera à s’appliquer, jusqu’à son éventuelle annulation. Pour faire échec à cette exécution provisoire de la décision et pour permettre à l’étudiant de poursuivre ses études, il est possible de déposer, concomitamment à la demande de saisine du CNESER, une requête distincte, sollicitant du CNESER qu’il prononce le sursis à exécution de la sanction, dans l’attente de sa décision au fond. Cette demande fera l’objet d’une instruction distincte et donnera lieu à une première décision, uniquement relative à l’exécution provisoire de la sanction.
Une fois saisi, le CNESER réuni dans sa formation disciplinaire est compétent pour statuer, en appel et en dernier ressort, sur toutes les décisions disciplinaires prises par les universités. Dans cette formation, le CNESER est composé de manière paritaire, comprenant des représentants des enseignants-chercheurs et des usagers. Ceux-ci sont au nombre de quatorze représentants titulaires, pour autant de suppléants, répartis de la façon suivante :
Cette répartition marque une prépondérance des représentants du corps enseignant, par rapport aux étudiants. D’ailleurs, le Président de la formation disciplinaire est, nécessairement, un professeur des universités, élu par les seuls membres du collège des enseignants-chercheurs. Ce mode de désignation du Président de la formation disciplinaire apparaît fortement contestable, l’ensemble des membres siégeant au sein de la formation de jugement ne prenant pas part à la désignation de son Président.
Une fois la formation de jugement composée, son Président désigne, pour chaque affaire, une commission d’instruction, qui comprend un conseiller rapporteur qui est chargé d’instruire le dossier soumis au CNESER. Dans le cadre de cette instruction, la commission doit entendre la personne déférée et instruire l’affaire, par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer. L’étudiant ou son représentant peuvent alors produire, au soutien de ses intérêts, tous les documents qu’ils jugent utiles et, notamment, des attestations, témoignages, courriels, etc. Selon les textes, cette instruction ne peut pas dépasser une durée de trois mois, ce qui est censé garantir au justiciable une décision rendue dans les meilleurs délais, de manière à entraver, le moins possible, le déroulé de ses études. Toutefois, le président de la formation de jugement peut ordonner un supplément d'instruction, s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée. Quelle qu’en soit la durée, la commission rend, à la fin de son instruction, un rapport écrit qui doit comprendre l'exposé des faits et les différents moyens de droit soulevés par les parties à la procédure. Ce rapport est tenu à la disposition des parties ou de leurs conseils, au secrétariat du CNESER, ce qui permettra de préparer, au mieux, l’audience de plaidoiries.
Une fois l’instruction close, le président de la formation disciplinaire doit convoquer chaque personne intéressée à la procédure, devant la formation de jugement, par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée au moins quinze jours avant la date de la séance de jugement. Il convient de noter qu’en cas d'absence de l’étudiant déféré à l’audience, la formation de jugement est censée apprécier les motifs invoqués pour expliquer cette absence et, si elle les juge injustifiés, pourra continuer à siéger, de sorte que la procédure sera réputée contradictoire. Ce étant (et si elles se présentent), les parties sont entendues par la formation de jugement lors de l’audience. Elles peuvent, à ce moment, exposer leurs arguments à l’oral, dans le cadre d’une audience publique. S'il l'estime nécessaire, le président peut, également, solliciter que des témoins soient entendus à l'audience, afin de permettre de faire toute la lumière sur les circonstances du dossier jugé. La personne déférée a, en tout état de cause, la parole en dernier.
Après avoir entendu les observations orales de l’ensemble des parties, de leurs conseils et des éventuels témoins cités à comparaître, l’affaire est mise en délibéré, à l’issue duquel la formation de jugement est amenée à rendre sa décision. Si plusieurs sanctions différentes sont proposées au cours de la délibération, la sanction la plus forte est mise aux voix la première. Si elle est refusée, les autres sanctions sont soumises aux membres de la juridiction, par ordre décroissant. Le CNESER peut, à cet égard, prononcer les mêmes six sanctions que les sections disciplinaires des universités. Les décisions sont prises à la majorité absolue des membres présents, étant entendu que le vote est opéré à bulletins secrets. Passé le délibéré, la décision est prononcée en séance publique et doit, nécessairement, être motivée. Elle est, ensuite, notifiée au ministre chargé de l'enseignement supérieur, à la personne contre laquelle les poursuites ont été intentées et à l'autorité qui les a intenté. Copie de la décision est adressée au recteur d'académie.
Par la suite, la personne déférée, le président de l'établissement qui a engagé les poursuites en première instance et le ministre chargé de l'enseignement supérieur peuvent, seulement, former un recours en cassation contre cette sanction, devant le Conseil d'Etat. Opérant son contrôle de cassation, le Conseil d’Etat ne rejugera pas les faits reprochés à l’étudiant, mais uniquement la régularité de la décision du CNESER. Passé un certain délai, les étudiants sanctionnés peuvent, également, solliciter le relèvement de la sanction et, ainsi, retrouver l’ensemble des droits dont ils bénéficiaient avant son prononcé. Mots-clés : Etudiants - Université - CNESER - Sanction universitaire - Conseil de discipline Article publié sur le site du Village de la Justice
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AuteurBienvenue sur le blog de Maître Tom Riou, avocat au Barreau de Paris. Archives
Octobre 2023
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