Par un décret n°2018-874 du 9 octobre 2018, la possibilité de donner des jours de repos à des collègues, aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap, a été étendue à la fonction publique.
On le sait, le droit privé du travail permet, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2014-459 du 9 mai 2014, aux salariés de donner un jour de repos à un de leur collègue, parent d’un enfant gravement malade. L’article L.1225-65-1 du code du travail dispose, ainsi, qu’un salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, au bénéfice d'un autre salarié de la même entreprise qui assume la charge d'un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité, qui rend indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. Grâce à ce dispositif, le salarié bénéficiaire de ce(s) jour(s) cédé(s) bénéficie du maintien de sa rémunération durant sa période d'absence, qui est assimilée à une période de travail effectif. Le décret n°2015-580 du 28 mai 2015 avait étendu cette possibilité aux agents publics. Par la suite, la loi n°2018-84 du 13 février 2018, codifiée à l’article L.3142-25-1 du code du travail a élargie le système de don de jours de repos aux salariés aidants d’un proche (conjoint, concubin, partenaire civil, ascendant, collatéral, etc.) présentant un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité. Aucun texte n’avait, pour l’instant, étendu ce dispositif aux agents publics. C’est chose réparée par le décret n°2018-874 du 9 octobre 2018. Désormais, un agent public peut, sur sa demande, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, qu'ils aient été affectés ou non sur un compte épargne-temps, au bénéfice d'un autre agent, civil ou militaire, relevant du même employeur. Cette faculté est offerte au bénéfice de fonctionnaires qui :
Pour bénéficier d’un tel don de jours de repos, l’agent aidant doit formuler sa demande, par écrit, auprès de son autorité hiérarchique. Cette demande doit être accompagnée d’un certificat médical détaillé, remis sous pli confidentiel, établi par le médecin qui suit l'enfant ou le proche concerné. L'agent public doit, également, établir une déclaration sur l'honneur de l'aide effective qu'il apporte. Une fois le congé obtenu, sa durée est plafonnée, pour chaque année civile, à quatre-vingt-dix jours par enfant ou par personne aidée. Durant cette période, le bénéficiaire du don de jours de repos conserve le bénéfice de sa rémunération à taux plein. Les périodes d’absence sont, également, assimilées à une période de travail effectif, ce qui lui permet d’éviter d’éventuelles conséquences négatives en terme, notamment, d’évolution de carrière. Ce nouveau dispositif ne peut qu’être salué, visant à permettre à des fonctionnaires en proie à des situations personnelles souvent dramatiques d’y faire face, grâce à la solidarité de leurs collègues. Article publié sur le site Village de la Justice Mots-clés : Fonction publique - Fonctionnaires - Don de jours de repos - Solidarité
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Un fonctionnaire qui méconnaît l’interdiction du cumul d’activités peut-il être sanctionné ?10/12/2018 L’interdiction du cumul d’activités, résumée par la fameuse sentence de Marcel Waline selon laquelle « les agents travaillant dans le secteur public ne peuvent servir à la fois l’Etat et l’argent », est issue du décret-loi du 29 octobre 1936, adopté sous le gouvernement du front populaire.
Depuis lors, la loi pose le principe selon lequel il est formellement interdit aux fonctionnaires et agents contractuels de cumuler leurs fonctions publiques avec l’exercice d’une autre activité professionnelle, dans le secteur privé. Ce principe a été récemment réaffirmé par la loi n°2016-148 du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires, qui est venue insérer un article 25 septies à la loi statutaire n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. L’article 25 septies I de la loi statutaire du 13 juillet 1983, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 20 avril 2016, dispose, désormais, que : « Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit […] ». Ce principe d’une interdiction stricte du cumul d’activités, connaît cependant plusieurs exceptions. Les agents publics peuvent, ainsi, produire librement des œuvres de l’esprit ou, s’agissant de certaines catégories d’agents, exercer des professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions. Ils peuvent, également, sur simple déclaration faite à l’autorité hiérarchique dont ils dépendent, continuer à exercer une activité privée, durant une certaine durée, pour les dirigeants d'une société ou d'une association à but lucratif lauréats d'un concours de la fonction publique ou recrutés en qualité d'agents contractuels de droit public. Ils peuvent, enfin, sur autorisation accordée après consultation de la commission de déontologie, exercer certaines activités lucratives, auprès de personnes ou d’organismes publics ou privés, créer ou reprendre une entreprise ou bien, encore, exercer des activités annexes à leurs fonctions, à la condition qu’elles ne contreviennent pas à l’organisation du service public. Exception faite de ces quelques dérogations, le principe d’interdiction stricte du cumul d’activités demeure, de sorte qu’un fonctionnaire ou un agent contractuel qui ne respecterait pas cette interdiction s’expose au prononcé de sanctions. A cet égard, l’article 25 septies de la loi statutaire du 13 juillet 1983 dispose que : « Sans préjudice de l'engagement de poursuites disciplinaires, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement ». L’agent qui exerce une seconde activité professionnelle s’expose donc :
Il convient de noter que ces sanctions peuvent être cumulatives. En effet, alors que l’ont pourrait penser que le principe non bis in idem, selon lequel on ne peut pas être poursuivi ou puni plusieurs fois à raison des mêmes faits, viendrait interdire le cumul du reversement des sommes perçues avec une éventuelle sanction disciplinaire, le Conseil d’Etat a jugé que, bien que ces deux mesures aient un caractère punitif, le reversement des sommes irrégulièrement perçues et la sanction disciplinaire n’ont pas le même objet. Ainsi, la haute Juridiction a jugé que le reversement des sommes perçues ne constitue ni une sanction disciplinaire, ni une sanction professionnelle, mais une sanction pécuniaire, visant à corriger les effets de l’illégalité d’une créance publique provoquée par le comportement de l’agent (CE, 16 janvier 2006, req. n°272648, Publié au Rec. CE). Pour tenir ce raisonnement, le Conseil d’Etat a estimé que : - le droit au traitement des agents fait naître une créance publique à leur bénéfice ; - la situation de cumul non-autorisée fait disparaître cette créance ; - dès lors, la sanction de reversement des sommes irrégulièrement perçues permet à l’administration de rétablir la légalité des comptes publics, sans forcément constituer une sanction pour l’agent fautif. Il a, également, été jugé que le fait, pour un fonctionnaire, d'avoir déclaré au fisc les revenus tirés d'une activité privée irrégulière, ne suffit pas à établir que les services chargés de la gestion administrative de sa carrière ont eu connaissance de ces revenus irréguliers et toléré cette situation. Le fonctionnaire à l’origine d’un cumul d’activités ne peut, ainsi, pas se retrancher derrière sa déclaration fiscale pour tenter d’échapper à la sanction financière. Dans ce cas de figure, le Conseil d’Etat a jugé que les sommes irrégulièrement perçues doivent, quand même, être reversées dans leur intégralité à l'administration employeur, c'est-à-dire sans déduction du montant de l'impôt sur le revenu acquitté sur cette rémunération, à charge pour l'intéressé de tirer les conséquences fiscales de ce reversement, lors de la souscription de sa déclaration de revenus. Outre cette sanction purement pécuniaire, les fonctionnaires et agents publics à l’origine d’une situation de cumul d’activités peuvent, également, être sanctionnés sur un fondement disciplinaire. L’interdiction du cumul d’activités est, en effet, une obligation déontologique de premier ordre, qui vise à empêcher que toute autre activité ne nuise au fonctionnement normal du service, ou ne mette en doute l'indépendance et l'impartialité des agents publics. A cet égard, la sanction disciplinaire vise à réprimer le comportement de l’agent, en raison de la méconnaissance de son obligation déontologique d’exclusivité. L’objectif est, ainsi, de punir la violation, non pas d’une règle comptable, mais d’une règle déontologique La jurisprudence administrative (antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016) a, sur ce fondement, pu confirmer :
Le degré de la sanction auquel s’expose l’agent varie en fonction de la nature et de la gravité des faits qui lui seront reprochés. Toutefois, l’agent doit garder à l’esprit que des sanctions particulièrement importantes peuvent lui être infligées (notamment un licenciement pour un agent contractuel ou une exclusion de fonctions pour un fonctionnaire titulaire). D’ailleurs, en vue d'apporter la preuve d'un tel cumul d’activités non autorisé, l’administration peut confier, de manière très encadrée, à une agence de détectives privés la tâche de vérifier les soupçons d’exercice occulte d’une seconde activité professionnelle par l'un de ses agents. Dans ce cadre, la gravité des faits constatés pourrait, également, fonder des poursuites pénales aux conséquences d’autant plus importantes. En effet, l’agent ayant cumulé plusieurs activités professionnelles, dans les secteurs public et privé, s’expose à des poursuites pénales, si ce cumul d’activités est l’occasion d’une prise illégale d'intérêts. L’article 432-12 du code pénal dispose, à cet égard, que : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public (…), de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction ». On le voit, l’arsenal des sanctions susceptibles d’être infligées à un agent auteur d’un cumul d’activités est particulièrement étendu. Il ne saurait qu’être conseillé à l’agent public qui entend exercer une seconde activité annexe à ses missions de service public de se prémunir contre ces sanctions, par exemple en saisissant, en amont de son projet, outre son autorité hiérarchique, la commission de déontologie ou le référent déontologue mis à sa disposition. Mots clés : Fonctionnaires – Fonction publique – Cumul d’activités – Sanction Article publié sur Village de la Justice |
AuteurBienvenue sur le blog de Maître Tom Riou, avocat au Barreau de Paris. Archives
Octobre 2023
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